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Mairie, Sainte-Sigolène (Haute-Loire)
> Descriptif opération
Gros bourg situé entre Saint-Étienne et Le-Puy-en-Velay, à une dizaine de kilomètres au sud de Monistrol-sur-Loire, Sainte-Sigolène connaît un fort développement économique au cours des années 1950-1960 grâce à la reconversion de son industrie à la plasturgie. Si elle ne pense pas son expansion urbaine sous forme d’une opération radicale comme sa voisine Firminy, elle accueille néanmoins des constructions symbolisant l’évolution de la société française de l’après-guerre. Ainsi, des immeubles de logements modernes s’installent à proximité des constructions traditionnelles. Un lotissement accroît la surface urbanisée. Un village de vacances et un plan d’eau introduisent les prémices de la société des loisirs. Une nouvelle poste est même programmée pour remplacer celle édifiée dans les années 1930, déjà trop exiguë pour assurer pleinement ses fonctions.
Descriptif de l’opération
Tel est également le cas des services municipaux, comme en témoigne un compte rendu des débats de l’une des séances du Conseil municipal qui se tiennent en 1965 : « Une nouvelle mairie est absolument indispensable. Compte tenu de l’expansion démographique de la cité, les locaux actuels – une seule pièce pour le secrétariat et pour tous les services – ne peuvent plus répondre aux services demandés. Ce projet de construction correspond également à un autre besoin puisque Sainte-Sigolène ne possède aucune grande salle pour des conférences ou des réunions. »
C’est implicitement sur un programme de mairie et de salle des fêtes que vont travailler deux municipalités successives, puisque la démarche est initiée sous la mandature de Jean Bouis, maire de Sainte-Sigolène de 1945 à 1965, mais concrétisée sous celle de Jean Salque, maire de 1965 à 1989. Initié dès 1965, concrètement étudié en 1969, lancé en 1970, l’édifice traduisant la nouvelle dimension de l’administration territoriale locale est inauguré le 23 septembre 1972. En 2012, la municipalité de Dominique Freyssinet célèbre le quarantième anniversaire d’une mairie qui, à la veille de la seconde décennie du vingt-et-unième siècle, assure toujours ses fonctions dans une architecture préservée et des aménagements intérieurs partiellement actualisés.
Intérêt
Après une première étude conduisant à projeter une grande bâtisse relevant volumétriquement et formellement de l’approche régionaliste de l’entre-deux guerres, la municipalité confie la conception de son projet à Étienne Grand. Après des études à Grenoble puis à Paris, cet architecte originaire du Chambon-sur-Lignon s’est installé au Puy-en-Velay en 1950. Très actif dans le Velay, il signe nombre d’édifices traduisant les évolutions simultanées des besoins, des programmes, des techniques et des approches esthétiques. Ainsi, à Monistrol-sur-Loire il réalise la maternité, le centre socio-culturel et la piscine couverte. À Yssingeaux, il édifie le centre de santé, le tribunal, la caserne des pompiers, la perception et les différents édifices liés au collège agricole de Choumouroux. À Vals-près-Le-Puy, il signe la mairie et le Carmel. Au Chambon-sur-Lignon, il érige le groupe scolaire, la maison des enfants, la maison des jeunes, le collège et un hôtel. Au Puy-en-Velay, il concentre les interventions pour les immeubles d’habitation qu’il s’agisse de logements sociaux (108 appartements) mais surtout d’une dizaine de résidences privées de 20 à 150 logements initiées par l’agence Ravoux ou la Société Hardy (Clair Matin, les Rochers, Vert Bois, Le Dyke, les Orgues, les Peupliers, les Bouleaux, le Clos de Corsac, Le Dauphiné, l’Anjou, le Franche-Conté) auxquels s’ajoutent de nombreux immeubles de rapport pour des investisseurs privés. À Sainte-Sigolène, il édifie un groupe scolaire, une école privée, trois ensembles de logements sociaux de respectivement 16, 48 et 76 appartements pour l’office HLM départemental et un immeuble de 21 logements pour la Coopérative des Dunières.
Caractéristiques de l’existant
Avec Vals-Près-Le-Puy et Aurec-sur-Loire, Sainte-Sigolène constitue le troisième projet de mairie qu’étudie Etienne Grand. Pour conduire à bien cette commande, il s’adjoint José Bolla, maître d’œuvre installé à Saint-Étienne.
Le premier programme qu’ils doivent mettre en forme comprend deux grands ensembles de fonctions. Le premier agrège les bureaux de l’administration municipale à un cabinet médical et à des locaux destinés à la Sécurité sociale et à la Caisse d’Épargne. Le second associe une grande salle de réunion à une imposante salle des fêtes. Le terrain de 4 276 m2, de forme triangulaire, bordé par une place (des Combattants) et deux avenues (Lafayette et La Gendarmerie) est libéré par la destruction d’une ancienne école et de quelques constructions. Il se situe à l’articulation du centre-ville historique et de la zone d’extension moderne (écoles, maison de retraite…). Il se prête à une composition affirmant les deux grandes fonctions, encadrant un bassin, et articulées entre elles par un porche couvert dans l’axe duquel est réinstallé le monument aux morts précédemment établies sur la place. Des versions successives de ce programme sont établis, du fait de la variation d’éléments du programme : initialement intégrée à la mairie la salle des mariages est traitée comme un volume émergeant ; un foyer introduisant à la salle des fêtes est préféré à la salle de réunion. Néanmoins très vite est déterminée une écriture architecturale duelle : monumentale, verticale et vitrée pour la mairie ; monolithique, horizontale et aveugle pour la salle des fêtes. Est également rapidement fixé pour la mairie le principe d’une entrée par un grand hall sur un rez-de-chaussée légèrement surélevé. Il en est de même pour la répartition des bureaux : les services administratifs sont réunis au premier étage, les services techniques au second. Ces locaux dédiés à la collectivité territoriale voisinent avec des espaces réservés à des services rendus à la population liés à la santé (cabinet médical, bureau de la sécurité sociale) ou aux finances (Caisse d’Epargne)…
Cette politique programmatique généreuse à un coût que le Préfet de Haute-Loire récuse par l’intermédiaire du nouveau sous-préfet d’Yssingeaux. Le 16 janvier 1969, ce dernier rappelle au maire de Sainte-Sigolène que depuis 1967 son prédécesseur intervenait auprès du Préfet pour que soit financé le projet de mairie et de salle des fêtes de sa ville. Or, le Préfet vient de lui signifier que la modicité des crédits inscrits pour ce type de réalisation et le caractère prioritaire de certaines réalisations, dont la reconstruction de la mairie de Brioude, font que le projet de Sainte-Sigolène ne pourra être financé ni en 1968 ni même avant plusieurs années. Il invite en conséquence le conseil municipal à contracter un emprunt auprès de l’une des Caisses régionales de crédit…
Procédure
L’actuelle mairie, ce volume unique de verre et de béton de trente-neuf mètres de long, treize de large et douze de haut, en retrait face à la place des Combattants, résulte donc de ce constat préfectoral. Le Conseil municipal simplifie le programme : le rêve d’un bassin s’éloigne définitivement, la salle des fêtes est supprimée, la salle des mariages est confondue avec le hall, une salle de réunion est logée au niveau semi enterré. Les finances municipales sont mobilisées, un emprunt sollicité auprès de la Caisse d’Épargne. Et plus que jamais s’impose la location des bureaux non occupés par les différents services municipaux.
Six mois seulement s’écoulent entre le courrier préfectoral et l’établissement des plans établis pour la demande de permis de construire qui sera délivré le 16 février 1970. Il est accordé sous réserve que « les éléments de façade soient traités avec plus de recherche, en bouchardant les partes de béton qui ne devront pas restées brutes de décoffrage et en traitant les allèges de baies avec des matériaux tels que carreaux de céramique de couleur ou matériaux similaires… ». Se lit ici la façon dont l’administration impose arbitrairement ses vues esthétiques dès les années 1960… L’adjudication des dix lots de l’appel d’offres sera prononcée le jour même de leur remise, le 21 juillet 1970 si bien que les travaux peuvent être lancés le 20 octobre 1970. La construction des 1687 mètres carrés sera achevée en septembre 1972 et le certificat de conformité délivré le 15 janvier 1973. Bativelay (maçonnerie), SMAC (étanchéité), Duron (menuiserie), Lioger (menuiseries alu), Jardy (peintures), Pichon (sanitaire et chauffage central),Cuerq (électricité) auront travaillé sur ce chantier.
Interventions
Étienne Grand implante en lisière du cœur historique un édifice moderne, en rupture claire avec l’architecture ambiante, qui affirme son caractère d’édifice public par ses dimensions, son volume unique, le rythme et l’organisation de ses façades. Sur ces dernières, de hauts et fins piliers en béton prennent appui sur un large soubassement et portent un imposant couronnement. Monolithique, la construction se trouve horizontalement découpée en huit strates d’inégales hauteurs, alternativement en pierre et en verre, et verticalement en neuf séquences identiques sur les façades principales et trois sur chacune des deux façades latérales. Plusieurs éléments contribuent à humaniser la sévérité du volume en complétant le jeu sur les échelles et les détails : la différence de vitrage entre les deux niveaux bas et le niveau en attique, la transparence d’une partie du volume, les escaliers en saillie pour accéder à la mairie, à la salle de réunion, à l’espace médical.
Cette sérénité extérieure ménage néanmoins une surprise une fois gravies les marches et poussées les portes vitrées. Le hall d’entrée, ample, généreusement vitré, structuré par des piliers carrés, régulièrement disposés, est résolument vide… Aucune banque n’accueille le visiteur. Aucune présence ne l’invite à décliner la raison de sa présence. Aucun fauteuil ne l’invite à attendre. Un panneau d’orientation, le regard en coin de Marianne et le départ latéral d’un escalier de modestes dimensions constituent ses seuls repères… Ce saisissant dépouillement résulte de l’utilisation de ce hall comme espace de célébration des mariages civils.
Extérieurement, l’adjonction d’un escalier de secours sur le pignon Est, et, intérieurement, le nouvel aménagement des espaces ouverts aux publics où le bois a remplacé le skaï mural vert et les sols en Tapisom vert bronze ou en Dalflex marbré, traduisent l’évolution limitée d’un édifice particulièrement stable. La seule véritable transformation est intervenue dans les années 1990. Elle a consisté à détruire le « forum » combinant végétation et dallage qui précédait la mairie pour établir des places de stationnement. Si bien que cette mairie rejoint celle (plus ample) de Dieppe, celle (plus proche et plus petite) d’Aurec-sur-Loire ou celle (de taille similaire) de Meythet (Haute-Savoie) comme témoins préservés d’une représentation architecturale de la mairie au tournant des années 1970.
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