Rénover
Salle des fêtes, Moulins (Allier)
> Descriptif opération
À quelques pas du cœur de ville dominé par les tours de la cathédrale, en relation visuelle avec le marché couvert métallique reconverti, adossée visuellement au long bâtiment de béton de la Sécurité Sociale, la salle des fêtes des années 1950 a été maintenue dans son contexte urbain. Cette centralité, récemment accentuée par une opération de réaménagement de la place qu’elle domine, lui permet de voisiner avec des édifices administratifs, avec l’école de musique et avec la médiathèque, tout en bénéficiant de vastes aires de stationnement.
Vingt ans après une première rénovation limitée, la décision de la préserver s’accompagne de la volonté d’en dynamiser l’occupation et d’en rentabiliser l’exploitation. Conformément avec ce double objectif, certains de ses espaces d’origine ont été rénovés, d’autres ont été modifiés et de nouvelles fonctions lui ont été greffées. L’intervention récente a accentué l’ambiguïté typologique initiale, radicalisé la mise en couleur, affirmé de nouveaux matériaux, si bien qu’à présent, l’édifice hier vétuste affirme publiquement sa renaissance.
Descriptif de l’opération
En 1953, la Salle des Fêtes s’édifie sur l’emplacement de l’ancien hôpital Saint-Joseph à l’angle de la rue Achille Roche et du boulevard Ledru-Rollin, à côté du bâtiment tout juste achevé de La Goutte de Lait. L’architecte de cette dernière privilégie un style classique, censé s’harmoniser d’une part avec la Bourse du Travail, logée dans les locaux de l’ancien hôpital, et d’autre part avec les immeubles voisins. En revanche, la salle des fêtes affirme sans détour une esthétique contemporaine. Associé à Marcel Génermont, architecte local réputé, Henri Martin signe en effet, sous la municipalité de Maurice Tinland, un édifice en béton dont les volumes sont caractérisés par leur franche géométrie et leur dépouillement.
Intérêt
Cet architecte traite néanmoins un programme singulier alors que la typologie d’une telle construction, alors très répandue, semble parfaitement arrêtée. À la traditionnelle grande salle, destinée à accueillir des spectacles et des manifestations diverses, est en effet adjoint un ample auditorium extérieur, équipement qui constitue habituellement un objet autonome prenant place dans un parc public. Henri Martin se trouve ainsi confronté au traitement de deux façades contigües, disposées perpendiculairement l’une par rapport à l’autre, dont l’une est droite et l’autre concave. Il dessine sobrement la façade de la salle de fêtes sous forme d’une « grille » de béton percée de cinquante-six carrés vitrés au-devant de laquelle s’avancent les cadres de béton, auvents protégeant les trois portes d’entrée. Et il surmonte d’un fronton la boîte incurvée de l’auditorium. Pour articuler autant que pour mettre à distance ces deux constructions antinomiques, l’architecte érige une étroite tour géométrique caractérisée par ses ving-cinq fenêtres d’angle, horizontales et fixes, et ses deux horloges rondes. Ainsi dessiné, ce signal semble directement surgi d’un dessin de Robert Mallet-Stevens ou de l’un de ses décors de film. Il évoque également le vocabulaire des gares routières et des stations-services des années 1930, ces dernières étant justement très présentes sur la Nationale 7 qu’empruntaient les automobilistes parisiens rejoignant la Côte d’Azur via… Nevers, Moulins et Lyon.
Caractéristiques de l’existant
Bien que son espace intérieur ait été rénové en 1996, l’équipement est sous-exploité et contraste avec l’activité et le modernisme de la médiathèque voisine. Au début des années 2010, la municipalité de Pierre-André Périsol décide d’en faire une vitrine culturelle de la ville et un élément moteur de la rénovation de la vaste place du Maréchal de Lattre de Tassigny.
Procédure
À la suite d’une mise en compétition l’opposant notamment à l’agence Bruhat-Bouchaudy, Imholz Architectes et Associés se voit confier la commande. Fondée par Francine et René Himholz, l’agence est connue pour avoir retraité la salle des fêtes d’Hauteville (Ain), réhabilité le théâtre à l’italienne du Puy-en-Velay, conçu le Centre culturel de Montchanin (Saône-et-Loire) et la salle de spectacles de Bellerive-sur-Allier (Allier) ou encore pour avoir rénové et étendu le Centre culturel Georges Brassens à Feytat (Haute-Vienne).
Interventions
Tel qu’il est énoncé, le projet comporte trois enjeux. Le premier est urbain, la revalorisation de la place offrant à la salle des fêtes une nouvelle esplanade où se dresser et une série d’emmarchements pour affirmer la frontalité de sa façade. Le second est patrimonial, car, après avoir été considéré longtemps comme une verrue, l’édifice est désormais apprécié comme un exemple des années 1950 au sein du patrimoine du XXe siècle de la cité moulinoise. Cette mutation du regard et des esprits résulte d’une évolution générale, localement favorisée par la présentation de l’exposition « Cent ans d’architecture en Auvergne » organisée par le Conseil régional Auvergne de l’Ordre des architectes et par l’édition du catalogue correspondant par le Musée du Bâtiment de Moulins. Le troisième est architectural puisqu’il faut greffer de nouveaux volumes à la construction existante, en créer d’autres en sous-sol afin d’offrir de nouvelles fonctionnalités et optimiser la performance thermique de l’ensemble.
Après six mois d’études et onze de travaux, c’est une suite de volumes blancs ou rouges qui se développe désormais sur la place du Maréchal de Lattre de Tassigny. Les premiers, concentrés en front de place, correspondent à l’équipement initial dont les bétons ont été uniformément repeints et à une galerie déployée devant la façade. Les seconds, plus bas et tournés vers la médiathèque, affirment les extensions, réalisées en structure métallique et vêtues d’une mantille de métal aux fines perforations géométriques.
Plus qu’un marquage distinguant « ancien » et « contemporain », cette mise en couleur semble vouloir affirmer la nouvelle dualité de l’équipement, le culturel étant signalé par le blanc, le tertiaire (et accessoirement le bar) par le rouge.
Désormais précédés d’une galerie, les portes conservées et le hall simplement rénové donnent accès à la grande salle. L’ancien volume de cette dernière a été maintenu mais ses équipements ont été actualisés pour élargir la palette des manifestations accueillies. Son ambiance est modernisée, notamment grâce à un plafond suspendu, et son acoustique révisée par la pose de panneaux de bois. Dans son sous-sol, prennent désormais place une salle de conférences, des salles de réunion et un studio d’enregistrement, traités selon des couleurs vives pour compenser la quasi absence de lumière naturelle. Au niveau de la place, un bar prend place dans la partie inférieure de l’ancien auditorium dont l’inflexion du mur demeure visible. La façade de métal perforé doublant la façade vitrée sert de fond de scène potentiel aux gradins flanquant une fosse extérieure creusée, côté médiathèque, à même l’esplanade fédérant les deux équipements.
Le nouvel espace dédié au coworking se déploie perpendiculairement à ce puissant germe initial. Il est réalisé en structure métallique, sobrement aménagé et tenu à l’écart des regards indiscrets par sa double peau de métal perforé rouge. Géré par Connecting Bourbon, ce lieu entend fédérer des salariés nomades, des travailleurs indépendants, des startups…
Cette intéressante opération de rénovation et d’évolution d’un édifice ayant un caractère architectural fortement marqué par les années 1930, a été conduite à bien dans le cadre d’un budget limité, le coût total des travaux étant annoncés à 1,5 million d’euros, contrainte budgétaire ayant conduit à effectuer des choix stratégiques.
À voir / À lire
Maître d’ouvrage : 1953 Ville/ 2016 Ville
Maître d’œuvre : 1953 Henri Martin /2016 Imholz Architectes et Associés
Bet acoustique : Echologos
Bet structures et fluides : Euclid
Economiste : Cyril Marinier